Crédit : Anna Rakhvalova <3

Un point central à mon approche est l'ouverture d'un dialogue entre la psychothérapie et les théorie et pratique bouddhistes issues des premiers textes, dans une approche laïque. En effet, on a tendance à associer au bouddhisme des imaginaires qui sont liés aux diverses écoles et institutions spirituelles ou religieuses qui ont fleuri au fil des siècles dans diverses régions du monde (parfois en reproduisant des systèmes de violence qui sont contre ses principes). Toutefois, ses enseignements premiers ont davantage à voir avec une approche psychologique de l'expérience et une pratique quotidienne de développement de soi qu'avec une quelconque dimension religieuse basée sur la foi. Si les préceptes bouddhique invoque la confiance qu'on peut y placer, c'est justement parce qu'on peut en éprouver la pertinence par l'expérience. Cette approche psychologique et pragmatique reste encore aujourd'hui d'une puissance et d'une modernité prodigieuses dont on peut se réapproprier les outils.

Je m'appuie pour cela grandement sur le travail de vulgarisation de Doug Smith, dont j'ai suivi les cours à la Online Dharma Institute (ainsi que ses vidéos disponibles sur la chaîne YouTube Doug's Dharma). Le bouddhisme dit des premiers textes concerne les enseignements censément originaux du Bouddha Gautama, qu'il aurait donnés il y a 2500 ans. D'abord transmis oralement, ils auraient été fixés par écrit en langue pāḷi autour du IIIe siècle avant J.C. Ces textes forment le Canon du même nom, à côté des versions sanskrites et chinoises. De nombreux courants, écoles et institutions ont évolué à partir de ces textes dans diverses régions d'Asie, avec des développements théoriques, pratiques et institutionnels, voire religieux différents (Theravāda, Mahāyāna, Vajrayāna, Madhyamaka, Zen, …).

Un des principes centraux du bouddhisme des premiers textes est celui de l'impermanence fondamentale de toute chose, de leur changement perpétuel. Cela implique qu'on ne peut avoir qu'un contrôle relatif et contextuel sur nos expériences, à quelque niveau que ce soit. Il s'agit donc, dans l'idéal de sagesse bouddhique (principe d'équanimité), d'apprendre à ne pas se raidir sur ce qui n'est plus et à concentrer son action sur ce qui est au moment présent. De sorte, on apprend à agir de façon privilégiée dans les lieux et les temps où notre action sera la plus efficace et bénéfique – l'action bonne ayant une visée pacificatrice dans une perspective bouddhiste.

Bien sûr, il ne s'agit pas de tomber dans une forme de contrainte et dans de nouvelles normes imposées à soi-même, mais d'apprendre à accepter ses propres états émotionnels pour ce qu'ils sont, sans s'imposer le déni de leur existence. En gardant ce principe d'acceptation, on évite de poursuivre des conduites d'agrippement des choses qu'on ne peut contrôler basées sur la peur de les perdre. Il est donc toujours question d'un écart, puisqu'il s'agit toujours plus ou moins d'un équilibre entre contrôle de son action, ne serait-ce qu'un contrôle relatif, et relâchement du contrôle pour que l'action elle-même puisse se renouveler.

Le risque d'un contrôle excessif est en effet de se maintenir tendu-e vers un objet, vers lequel on projette une action qui n'aurait plus de raison d'être. C'est d'ailleurs le propre du trauma de nous maintenir tendu-e vers l'inquiétude du retour toujours possible d'une douleur dont nous avons gardé la mémoire. Le principe de dimension fantôme que j'ai développé et qui fonde ma méthode consiste à inspecter cet écart entre ce que notre corps nous dit et ce que notre univers mental nous fait faire, souvent contre lui-même. L'apport du bouddhisme pour la psychothérapie peut ainsi justement consister dans la confiance que l'on peut se transmettre à soi-même quant à la capacité de notre propre corps à guérir, si seulement nous apprenons à le laisser faire.

On peut ainsi réinventer pour soi-même de nouvelles manières d'affronter ce à quoi il nous est le plus difficile de faire face.

Crédit : Anna Rakhvalova <3

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