Atelier Knock, knock, Trinity

55,00 €
TTC

Cet atelier se propose d'explorer ensemble le lien entre addictions, identités et technologies. En effet, quand on parle de technologie, on parle d'un ensemble de techniques qui viennent prolonger nos capacités. Ils se sont tant intégrés dans notre quotidien qu'ils en viennent à se confondre avec les limites de notre propre corps. Dans quelle mesure choisit-on de les investir et de s'y identifier ? La relation au monde qu'ils véhiculent s'impose-t-elle à nous par la force d'un contexte ? Nous réfléchirons ensemble à la manière dont nous pourrions aborder les termes de notre identité au-delà des liens de dépendance que nous imposent ces technologies et à travers elles, des modèles de société tout entiers qui n'ont pas pour but premier de promouvoir notre autonomie et notre émancipation.

Durée : 3h, de 3 à 10 personnes, en présentiel ou en visio

À mesure que nombre d'aspects de nos vies se concentrent et se trouvent canalisés à travers les mêmes media et supports – les mêmes écrans –, nos addictions aux outils numériques se fait plus forte. Nous demandons beaucoup à ceux-ci, y compris de réduire l'écart qui se creuse entre les autres et nous dans nos sociétés et dans le monde, créant un cycle d'anxiétés qui peut générer beaucoup de souffrance. Il semble important alors d'aborder la confusion qui peut s'opérer entre les différents espaces au sein desquels nous interagissons au quotidien. Comme nous devons être de plus en plus disponibles à des sources d'information diverses et dans des lieux et des temps de plus en plus courts, la conscience que l'on peut avoir de l'image de soi se fracture et peut avoir du mal à se réconcilier. Qui est-on dans ce monde-là et à quoi peut-on bien servir ?

Notre quotidien est saturé de sollicitations et il semble que nous ne serons jamais assez performant-e-s pour y satisfaire. Notre rapport à nos outils de communication devient compulsif, en partie parce que nous avons pris l'habitude de percevoir les technologies comme des espaces fonctionnels. "Si j'appuie sur tel bouton, il se passera ça." En oubliant souvent que derrière nos outils de communication et nos réseaux sociaux, il y a des gens, des êtres humains qui peuvent avoir une vie qui leur est propre. On en serait presque réduit-e-s à une fonction de ces outils-là censés nous servir, eux, à des fonctions précises. D'une certaine façon, les technologies colonisent nos espaces mentaux et notre vie émotionnelle, de la même manière qu'elles colonisent la planète, ses populations et ses ressources. Dès lors qu'on s'approprie un objet en lui donnant une fonction au sein d'un ensemble coordonné, on en fait un objet d'une technologie dont on se laisse, d'une certaine manière, objectifier nous-même.

De fait, à l'heure où l'appropriation des ressources naturelles et les inégalités dans le monde sont intimement liées à nos accès aux espaces technologiques, dont on déclare qu'ils peuvent abolir toutes les distances, un premier pas pour retrouver un lien salutaire et plus serein à nos vies numériques est de les replacer dans leurs contextes. Ceux-ci correspondent à nos espaces de vie, imbriqués les uns dans les autres et vis-à-vis desquels nous nous projetons à moyen et à long terme (lorsque c'est possible). On retrouve ainsi : l'expérience intime, sensorielle et émotionnelle de notre propre corps (qui n'est pas communicable par le langage), le cercle des personnes proches (la famille, imposée ou choisie), les espaces sociaux et professionnels dans lesquels nous évoluons, la société dans son ensemble, la planète et la biosphère. Chacun de ces espaces doit retrouver sa place en-dehors de la fenêtre comprimée des écrans que nous parcourons chaque jour.

Dans l'élaboration de ma pratique en psychothérapie, j'ai élaboré une méthode originale (dénommée la « méthode fantôme ») qui travaille à une mise en dialogue entre une approche théorique de l'évolution de l'espèce humaine, différentes pratiques de psychothérapie dans leur rapport avec les sciences sociales, et le bouddhisme des premiers textes, le tout dans une perspective intersectionnelle et anti-validiste. C'est une bonne manière d'aborder de façon radicalement ouverte les questions liées à la construction de l'identité et de nos moyens d'agir comme les produits d'un contexte, qu'il s'agit de se réapproprier.

Mais aussi, en y intégrant les principes et pratiques du bouddhisme des premiers textes, dans une approche séculaire, on peut y puiser des voies pratiques pour relâcher les divers réflexes compulsifs d'agrippement, de compensation et d'addiction que les media technologiques et leurs instrumentalisations politiques peuvent générer dans des contextes systémiques d'oppression. Ces mêmes modèles politiques usent des stratégies du choc et de la destruction des structures collectives pour nous condamner à une relation à court-terme et émotionnelle à la chose politique et intime.

Ils provoquent tout autant la confusion et l'injonction constante à la réaction à laquelle nous sommes contraint-e-s pour préserver notre intégrité. La perception que nous pouvons avoir de notre propre image peut être fragilisée par l'impératif de devoir répondre à l'agression dans l'urgence, pour assurer sa survie psychique, voire physique. De fait, nous cherchons des réponses immédiates autour de nous, à l'endroit où nous avons pris l'habitude de recevoir une réponse automatique, bien que superficielle. Or, nous pouvons aussi choisir la manière dont nous nous engageons dans des espaces d'échange virtuels où nos identités peuvent être multiples, pour défier un ordre du monde qui voudrait que nous ne soyons que ce que nous serions supposé-e-s être.

À ces modèles dominants qui prescrivent des conduites auxquelles on serait censé-e-s s'adapter de manière optimale ou disparaître, il faudrait opposer une vision proscriptive (selon le biologiste chilien Francisco Varela) qui se concentrerait sur les conditions d'accès aux ressources nécessaires à une vie digne et à l'auto-détermination. L'allégorie trans et critique sur les technologies de contrôle offerte par Matrix (1999-2021), la saga des soeurs Wachowski, semble pour cela une voie d'entrée dans la discussion qui joint autant les thématiques queer et anti-capitaliste qu'une réflexion profonde sur les structures validistes de nos sociétés, vers une approche politique du handicap à l'ère contemporaine.

Cet atelier se présente alors comme un espace ouvert de transmission d'outils théoriques et pratiques pour réfléchir aux liens de dépendance qu'on peut avoir aux technologies, y compris aux technologies qui nous servent de support à l'image de soi. De là, comment est-ce qu'on peut se réapproprier ces outils et apprendre à regagner un usage contextuel et pratique de nos techniques de communication et de production ? Quelle nouvelle relation à ces outils peut-on élaborer au-delà des rapports de dépendance par lesquels ceux-ci nous servent de compensation aux angoisses légitimes qu'on peut avoir vis-à-vis de la violence du monde qui nous entoure ?

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